De plus en plus des enfants et des adolescents souffrent de surpoids, de diabète, de troubles de l’apprentissage et de troubles du comportement. Ce n’est pas une fatalité, comme le prouvent la recherche et la pratique en matière de nutrition.
Auteure : Petra Gutmann
Visite chez ma sœur Caroline. La soupe de carottes au safran est prête, fumante sur la table. « Tu en veux ? » demande Caroline en plaçant une assiette sous le nez de Tim, le fils de 10 ans de sa copine Brigitte. L’enfant grimace : « Nan. »
Quelques minutes plus tard, les huit personnes à table avalent la soupe, tandis que Tim plonge ses doigts gras dans un énorme paquet de chips et s'en remplit la bouche. Tout de suite après, le plat principal est servi : rouleaux de printemps, riz et un grand saladier d’une croustillante salade de mâche. Tout le monde mange sans retenue, sauf Tim qui pique ça et là sa fourchette dans l’assiette, sans la moindre envie de goûter quoi que ce soit.
Métamorphose dès l’arrivée du dessert : le garçon, qui doit bien faire 10 kilos de trop sur la balance, engouffre avidement plusieurs parts de tiramisu l’une après l’autre, sous l’œil attendri de sa maman qui constate gaiement : « Eh bien, quel appétit ! »
Tim est loin d’être un cas isolé. Selon différentes études, un enfant sur cinq, voire sur quatre, est en surpoids en Suisse. Comment en arrive-t-on là ?
« Dans la plupart des cas, l'attitude des parents est déterminante dans l'apparition du surpoids chez l’enfant », explique Natascha Muff, conseillère en nutrition à Saint-Gall.
« Les erreurs alimentaires, souvent associées à un manque d’activités physiques, constituent le problème majeur. Les parents transmettent leur façon de vivre à leurs enfants. Si les parents mangent trop, trop gras ou trop sucré, les enfants en font de même. »
Avec des conséquences dramatiques ; en effet, le surpoids est l’un des principaux facteurs d’apparition du diabète type 2, des dysfonctionnements du métabolisme des lipides, de l’artériosclérose, de l’hypertension, des troubles cardio-vasculaires et d’autres maladies qui en découlent. Aussi, l’Institut de recherche pour la nutrition infantile de Dortmund propose par exemple « un menu optimisé ».
La chercheuse en nutrition Dr. Mathilde Kersting précise : « Entre 4 et 10 ans, les enfants devraient manger 200 grammes de légumes par jour, entre 10 et 12 ans 250 grammes, entre 13 et 18 ans 300 grammes. Plus la même quantité de fruits.
Selon les enquêtes, les désirs et la réalité sont loin d’être réunis : certes, la plupart des adultes pensent qu’une alimentation saine est importante, mais une bonne moitié d'entre eux fonctionnent selon le principe « je mange ce que j’aime, tant pis si ce n’est pas bon pour la santé ». Alors comment les enfants peuvent-ils apprendre à avoir un comportement alimentaire sain ?
« L’enjeu est d'apprendre aux parents à distinguer parfaitement les conséquences qu’entraîne à long terme une mauvaise alimentation », insiste Natascha Muff. « Le sucre raffiné et les mauvaises graisses sont les pires ennemis. Il y a encore des parents qui, par exemple, récompensent leurs enfants par des friandises, ou qui les habituent dès le plus jeune âge à une petite sucrerie pour aller au lit. »
Ce n'est pas rendre service aux enfants. Bien au contraire. Une consommation élevée en sucre se traduit entre autres par :
Une consommation élevée en sucre est également néfaste sur l’humeur : des études réalisées dans des centres de détention aux États-Unis montrent que l’agressivité et les troubles du comportement diminuent lorsque les en-cas et boissons sucrés, le sucre contenu dans les repas, etc. sont remplacés par des variantes naturelles.
Des enquêtes menées auprès d'écoles américaines parviennent aux mêmes conclusions. Depuis l’évolution des repas scolaires vers une nourriture saine et l’élimination des distributeurs de sodas et de friandises, les élèves se montrent plus performants.
La conseillère en nutrition Natascha Muff partage également cette expérience : « Lorsque le sucre est laissé de côté ou la consommation fortement réduite, les enfants deviennent en quelques semaines plus performants, plus concentrés et ils se lèvent plus facilement le matin. La digestion s’améliore aussi fréquemment. Les adolescents constatent qu’ils ont moins de boutons et ils se sentent de meilleure humeur. »
Évidemment, la plupart des enfants ne renoncent pas spontanément aux tentations sucrées. « Cela ne fonctionne que si toute la famille s'y met », assure Natascha Muff. « En général, une privation totale est nécessaire. Lorsque les premiers signes de réussite apparaissent, tout le monde est motivé. »
Dans cet objectif, tous les types de sucre cristallisé (sucre en poudre, sucre blanc) sont remplacés par des variantes naturelles, comme le miel biologique, les fruits frais ou secs, les gâteaux aux fruits, les compotes, ainsi que par de bons desserts, par exemple à base de noix ou noisettes, d'amandes ou de sésame pilés, agrémentés de miel, de crème fouettée, de cardamome et de cannelle.
« En outre, beaucoup d’enfants devraient manger davantage de glucides complexes et d’aliments ayant un faible index glycémique », constate Natascha Muff. Concrètement : du pain complet au lieu du pain blanc ou des croissants, des céréales complètes au lieu des pâtes de farine de blé raffiné, des biscuits au blé complet au lieu des biscuits de farine blanche, et des légumes frais à la place des boîtes de conserve.
Pour qu’un enfant soit mince et en bonne santé, les oligo-éléments, les huiles végétales et les protéines sont tout aussi essentiels. « Le magnésium et le chrome sont importants pour bien brûler les graisses, tout comme les huiles végétales ou huiles de poisson riches en graisses insaturées », explique le Dr. Roger Eisen, médecin à la tête du centre de médecine anti-âge de Bad Griesbach, en Allemagne.
Les protéines fournissent non seulement la matière première du corps, mais elles aident aussi à maigrir. En effet, comme l’explique Roger Eisen , « un gramme de protéine apporte quatre kilocalories mais a besoin de beaucoup plus d’énergie pour fonctionner ».
« On dépense donc plus de calories en mangeant. En outre, l’effet de satiété des protéines dure plus longtemps que celui des glucides. »
Mais attention : trop de protéines fatigue les reins et favorise l'artériosclérose des vaisseaux sanguins. C’est ce qu’a mis en évidence le professeur et docteur en médecine allemand Lothar Wendt, chercheur en nutrition, sur la base d'études au microscope électronique. Là encore, une juste quantité est primordiale : le corps a besoin de 0,8 g de protéine par kilo, soit environ 32 g pour un enfant de 40 kg.
On trouve cette quantité de protéines par exemple dans 50 g de flocons d’avoine + 1 dl de lait de vache + 100 g de cottage cheese + 50 g de petits pois cuits + 100 g de spaghetti à la bolognaise, ou encore dans 50 g de pain complet + 50 g d’emmental + 20 amandes + 50 g de viande de veau.
La conseillère en nutrition ayurvédique Tamara Köhler, de Wiler bei Seedorf (canton de Berne), va plus loin. « La médecine ayurvédique préconise une alimentation en accord avec le type de constitution de chacun. Il existe trois types : Vata, Pitta et Kapha, ainsi que des formes combinées de ces types. »
Exemple : L’enfant « Vata » est plutôt fluet et a tendance à l’agitation, à la peur, à la nervosité ; l’enfant Pitta est généralement de taille moyenne, assez solide, a tendance à l’emportement et aime les sports de force ; L’enfant Kapha est d’une nature robuste, posé, patient, et aime peu l'effort physique.
Tamara Köhler précise : « N’importe quel enfant en phase de croissance a besoin de boire et manger chaud tous les jours. L’enfant Vata, nerveux et léger, a besoin en plus de matières grasses et d’aliments au goût sucré comme le riz, les pâtes, le lait et les dattes. Ils ont un effet calmant et donnent un peu plus de « pesanteur ».
L’enfant Kapha, au contraire, devra manger plus de légumes, moins de glucides et de produits laitiers, car ces aliments favorisent la prise de poids et les problèmes d’encombrement des voies respiratoires. Pour l’enfant Pitta, il faut veiller à ce que les aliments aigres ou épicés n’excitent pas davantage sa nature enflammée, ce qui peut conduire à de l’irritabilité et déboucher sur des inflammations
Tout cela est bien beau, mais comment faire concrètement sa cuisine dans une famille composée de différents types de constitution ?
« C’est plus facile que l’on pense », explique Tamara Köhler. « On cuisine la même chose pour tout le monde. La différence se fait par les aromates que l'enfant ajoute lui-même sur le plat une fois prêt. Les enfants Vata et Kapha ont besoin d’épices « qui réchauffent », comme le cumin ou le curry doux, tandis que les enfants Pitta ont avantage à consommer des aromates doux comme la coriandre ou le fenouil. C’est encore plus simple avec les mélanges préparés que l'on trouve dans les magasins spécialisés, adaptés à chaque type de constitution.
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Natascha Muff et Tamara Köhler sont d’accord sur ce point : la voie vers une alimentation saine doit être aiguillée dès l’enfance, le plus tôt étant le mieux.
« Les erreurs d’alimentation accumulées pendant l’enfance sont difficiles à modifier à l’âge adulte », explique Natascha Muff. « Les études montrent que la plupart des enfants en surpoids seront confrontés à ce problème à l’âge adulte. »
C’est d’autant plus regrettable que les enfants sentent généralement intuitivement ce qui leur convient et ce qui ne leur convient pas. Tamara Köhler ajoute : « Un enfant Vata aime généralement manger chaud, un enfant Kapha n'aime pas prendre de petit déjeuner et l'enfant Pitta rejette ce qui est aigre ou piquant. Il faudrait respecter cela. Les problèmes commencent la plupart du temps lorsque les enfants ne peuvent plus se passer de sucre raffiné ou que les parents imposent trop de règles alimentaires. »
Natascha Muff et Tamara Köhler estiment de la même façon que les enfants doivent consommer des produits frais de saison, idéalement issus de l’agriculture biologique locale.
« Trop d’enfants sont agressifs, léthargiques ou incapables de se concentrer simplement parce qu’ils mangent et boivent mal », observe Natascha Muff. « Les plats tout prêts et les pizzas surgelées sont certes rapides à préparer, mais si on en mange trop souvent, ils ont une influence néfaste sur le corps et l’esprit. »
« Des aliments sains procurent un sentiment de bien-être, physique et psychique, sans créer de dépendance », confirme Tamara Köhler. « Cela vaut la peine de faire profiter les enfants dès leur plus jeune âge de cette expérience. Même si plus tard, les adolescents préfèrent les pizzas et le Coca, le souvenir de l’effet bienfaisant des bons aliments reviendra tôt ou tard. »7
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Les graisses préparées industriellement constituent un problème majeur de l'alimentation moderne. Ce qui était considéré il y a 100 ans comme un coup de génie technologique est devenu un danger pour la santé, à savoir le durcissement (hydrogénation) d’acides gras insaturés issus des matières grasses végétales en produits solides ou faciles à tartiner, et l’apparition « d’acides gras trans ».
Ces derniers sont largement répandus dans notre culture alimentaire, par exemple dans les saucisses, la crème glacée, le chocolat, le pain, la pâtisserie, la pâte feuilletée de moindre qualité, les barres de céréales, le pop-corn, les soupes et sauces toutes prêtes, les matières grasses à cuire ou à frire, les chips, les frites et autres produits frits.
En raison de leur grande stabilité et de leur longévité, les acides gras trans sont bien pratiques pour l’industrie alimentaire. En revanche, pour le consommateur, il est plutôt question d’inconvénients : « Aucune autre matière grasse n’est aussi dangereuse en aussi petite quantité », confie à titre d'exemple le célèbre cardiologue Dariush Mozaffarian de l’université de Harvard.
Selon plusieurs chercheurs de renom en nutrition, la consommation élevée d’acides gras trans, courante aujourd’hui, est également responsable de l’apparition d’artériosclérose, de surpoids , de troubles cardio-vasculaires, d’infarctus, d’accidents vasculaires cérébraux, de diabète, d’amenuisement du système immunitaire et d'une déficience mentale précoce.
La Suisse a déjà réagi en imposant la limite maximale d'acides gras trans dans les graisses alimentaires à 2 % et rejoint le Danemark dans son rôle de pionnier en Europe.
Des quantités considérables de graisses transformées peuvent aussi se cacher dans les aliments préférés des enfants. Une récente étude autrichienne conclut que les enfants familiers des plats tout prêts et des fast-foods absorbent d’emblée plus de 6 grammes de graisses trans par jour, soit plus du double de la limite maximale recommandée pour les adultes. Des échantillonnages menés dans 20 pays montrent par ailleurs que les jeunes gens avalent plus de 10 grammes de graisses trans à chaque menu pris dans un fast-food.
Un coup d’œil sur les ingrédients contenus dans les aliments est donc fort utile. D’autant qu’il existe des alternatives saines, par exemple les aliments issus directement des fermes (biologiques) ou des huiles sans acides gras trans.
Le corps peut assimiler sans problème de 20 à 30 g de sucre par jour. Un triste constat : bon nombre d’enfants absorbent plus de 100 g de sucre par jour, sans avoir l’impression de grignoter beaucoup. À titre d'exemple :
Petit déjeuner :
1 yaourt aux fruits – 25 g de sucre
50 g de flocons de céréales sucrés – 10 g de sucre
Goûter-récré :
Barre de chocolat – 20 g de sucre
Déjeuner :
0,25 l de nectar de fruit sucré – 25 g de sucre
Après-midi :
0,25 l de Coca ou de limonade – 25 g sucre un beignet ou une part de gâteau – 30 g de sucre
Soit en additionnant : 135 grammes de sucre, sans compter les innombrables portions de sucre contenues dans les aliments préparés comme les pizzas, le pain, le ketchup, les vinaigrettes et les boîtes de conserve.
Voici trois idées de petits déjeuners proposées par Tamara Köhler, conseillère en nutrition ayurvédique :
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