Marcher pieds nus est en vogue. Le sentier marécageux du Wolzenalp dans le Toggenbourg par exemple, caresse les pieds et apaise l’esprit. Condition préalable : vous marchez pieds nus. Le haut-marais du Rietbach offre un paysage authentique unique.
Les « bonnes veilles sandales » sont rangées dans le sac à dos. Lors du premier contact avec les cailloux de la route gravillonnée, la plante des pieds tire la sonnette d'alarme. Heureusement, la souffrance n'est que de courte durée. Nous quittons les cailloux après une centaine de mètres sur la droite, et abordons une surface qui nous caresse les pieds : le marais.
Auteur : Fabrice Müller
Quelle sensation ! À chaque pas, on s’enfonce de quelques centimètres, comme si l'on marchait sur un lit à eau. Dans les endroits particulièrement humides, l’eau s’écoule entre les doigts de pieds, elle éclabousse parfois les mollets ou le pantalon si l’on n’a pas pris soin de remonter ses jambières suffisamment. C’est quelque chose à faire si l’on veut profiter pleinement du sentier de randonnée pieds nus du haut-marais de Rietbach, au-dessus de Krummenau. Pieds sales et mollets mouillés font partie de l'aventure.
Une expérience à (re)découvrir pour beaucoup de monde : marcher pieds nus. C’est presque comme une hydrothérapie – saine et rafraîchissante.
La randonnée dans le marais ne représente pas seulement une séance caressante pour les pieds et l’esprit, elle est aussi une promenade à travers un paysage authentique unique, pratiquement inchangé depuis des millénaires, mise à part l’intervention de l’homme.
Là où le sol était imperméable, des étangs et des mares peu profonds sont apparus. Les restes de plantes et d'animaux ne se sont pas totalement désagrégés dans cette eau pauvre en oxygène, des couches de tourbes se sont déposées dans l'eau. À partir d’une hauteur de 30 centimètres, les experts parlent de marais, ou encore de tourbière.
Notre sentier passe à travers un haut-marais, alimenté uniquement d'eau de pluie, et serpentant dans des zones exposées à de fortes précipitations. Le haut-marais de Rietbach fait partie des 91 marais de Suisse d’importance nationale, bénéficiant d’une protection particulière.
Les trois quarts d’heure suivants vont être marqués par une multitude de prises de contact avec des plantes dont le nom m’était jusqu’alors inconnu - la cueillette est toutefois interdite. La première rencontre se fait avec des aiguilles de sapin piquantes, en effet notre sentier passe sous les branches d'un bosquet d'épicéas. On a bientôt surmonté ce massage des pieds – la tourbe douce est de retour.
Soudain, nous stoppons net : une colonie de droséras ! Discrètes, les plantes attendent leur proie à l’ombre de grandes fleurs et de hautes herbes. Leur surnom romantique de « rosée du soleil » vient de leurs fleurs rouges, d'où partent de fins poils clairs.
La plupart des fleurs présentes ici sont cependant d'une nature paisible, comme par exemple le trolle d’Europe jaune, la gentiane des marais violette, l’orchis mâle ou les fleurs roses de la myrtille des marais, qui ressemble à la myrtille –si ce n’est son goût plutôt fade. Il y a différentes variétés de plantes à admirer, comme le carex (ou la laîche) qui fait partie du groupe des plantes ancestrales. Ici et là, on trouve généralement de la mousse. Plus elle est verte, mieux c’est : si l'eau vient à manquer, la mousse prend une teinte brune. Dans ce cas, le marais lui-même n’est souvent plus en très bonne santé.
Le droséra (Drosera rotundifolia), connu aussi sous le nom de rosée du soleil, rossoli ou plante des tourbières, ne pousse que dans les marais.
Marcher sans chaussures invite à se concentrer sur où l’on met les pieds. La crainte de s’enfoncer soudainement est toutefois infondée. Les yeux peuvent donc tranquillement errer sur les sommets, par exemple vers le Säntis, les Churfirsten, le Stockberg ou le Speer, le plus haut sommet constitué de conglomérat d'Europe (1 950 mètres).
À cause d’un petit insecte qui m’a piqué au pied, mon regard quitte la montagne pour retourner à la réalité. Il faut s’y attendre. Le contact intime avec la nature prend tout son sens lorsqu’on marche pieds nus. Parfois, ça pique, ça mord, ça gratte.
Toutes sortes d’animaux vivent dans le marais, notamment des souris, des rainettes et des oiseaux. Certains insectes rares y vivent aussi, comme le papillon cuivré des marais, ou l’aeschne bleue, une libellule. Malheureusement, ces deux beautés ne se sont pas encore montrées. Renards et chevreuils peuvent également apparaître parfois dans le marais.
Notre excursion pieds nus approche de son terme. Nous quittons le sentier du marais en traversant un pré, puis nous retrouvons le sentier gravillonné où nous préférons remettre nos sandales.