Comment une grenouille devient-elle un prince ? Les enfants (et les adultes) ont une capacité illimitée d'agir et de penser de manière créative – lorsqu'on leur en laisse le loisir.
Selon le Dr. Rainer Holm-Hadulla, professeur et chercheur en créativité, le bonheur et le succès dépendent en grande partie de la capacité à penser créatif. Au cours d’un entretien, le chercheur, également praticien spécialisé en médecine psychosomatique, explique comment on peut encourager la pensée créative chez l’enfant.
Auteure : Petra Gutmann
Ennui, hébétude, agressivité, agitation sans raison – ces signes caractéristiques de notre société moderne sont largement répandus et reflètent notamment un manque de créativité, selon le professeur Holm-Hadulla.
« La vie est une tâche créative », estime le chercheur, médecin et psychothérapeute installé à Heidelberg. « L’homme doit aborder les difficultés de la vie d’une manière créative. Sans effort créatif propre, l’existence demeure terne et vide de sens. »
Pour la société, les esprits créatifs peuvent se révéler très utiles : leur capacité à remettre en question l’existant, à considérer les choses sous un autre angle et à les associer à de nouvelles connaissances apporte de nouvelles approches dans le domaine scientifique, économique et politique.
Il n’est donc pas étonnant de voir le chercheur en créativité américain Richard Flora écrire ceci :
« Les gens créatifs représentent pour les entreprises modernes une ressource de la même importance que celle qu'avait à l’époque l’accès au charbon et au fer pour les aciéries. »
Entre un et douze ans, les principaux jalons favorisant un comportement créatif sont posés. Les observations montrent par exemple que les nourrissons comprennent dès l’âge de trois mois le regard et les mimiques de leur mère. « Le nouveau-né cherche l’affection », explique le professeur Holm-Hadulla. « S’il découvre sur le visage de sa mère de l’amour et de l’attention, sa curiosité et son envie d'explorer s'affirment. C’est ainsi que s’effectue dans son cerveau le premier pas vers la créativité. »
Faire preuve de patience et de tact est une condition indispensable pour permettre à ses enfants d’apprendre à penser d’une manière créative. Avoir du tact signifie aussi laisser à ses enfants beaucoup de moments de liberté intérieure. « Plutôt que de stimuler sans cesse un enfant ou de l'asseoir devant la télévision durant son temps libre, il vaut mieux le laisser gérer ses impressions », conseille M. Holm-Hadulla. Ainsi, laisser par exemple un enfant contempler le ciel pendant une demi-heure à la fenêtre n’est nullement du temps perdu. Ces « temps morts » peuvent aider l’enfant à développer un don pour laisser émerger ses idées.
Sur la voie de la pensée créative, certains freins sont à l’affût, comme les préjugés des parents. Un exemple : Marc, six ans, raconte avec enthousiasme au petit déjeuner que pendant la nuit, il s’est envolé au dessus du village avec son nounours, avant d’atterrir sur une prairie où une grande fête avait lieu avec d’autres enfants et leurs nounours.
Réaction du papa de Marc : « Les rêves sont du vent, mon garçon. Tu n’as pas besoin de penser à ces idioties. » Fin de la conversation.
« Une telle réaction est vraiment dommage », estime Rainer Holm-Hadulla. « Il est important d’encourager l’enfant à réfléchir librement à ses rêves également. Les rêves sont des supports créatifs merveilleux. Ils peuvent apporter un plus dans la vie, entre autres parce qu’ils transforment l’inconscient en conscient. »
Bill Gates a répondu ainsi à la question de savoir s’il laissait ses enfants sur l’ordinateur : « Je ne leur interdis pas, mais avant, ils doivent lire un grand nombre de bons livres. »
C’est aussi ce que préconisent les chercheurs en créativité comme Rainer Holm-Hadulla. En effet : « La télévision et l’ordinateur laissent trop peu d'espace aux enfants. Ils inondent le cerveau d’un incessant flot de bruits, de sons et d’images. Le cerveau cherche à se protéger et déclenche une attitude d’apathie ou de prostration. » De cette manière, les jeux d’ordinateur et l’Internet pratiqués fréquemment détruisent le processus créatif.
Ni télévision, ni ordinateur – un objectif illusoire dans la plupart des familles. Comment les parents peuvent-ils alors doser avec mesure la consommation des médias ? Rainer Holm-Hadulla recommande cette solution : « Empêchez si possible le zapping intempestif et la « détente » devant la télévision. Établissez avec vos enfants un programme TV fixe, comprenant des émissions enrichissantes et favorisant la pensée créative, comme des films sur les animaux, des documentaires sur les pays étrangers et des débats passionnants. »