La vie de couple comporte beaucoup de défis. Comment gérer les conflits et mieux communiquer.
Auteur: Adrian Zeller, 10/2020
Vers le milieu de la vie, de plus en plus de couples constatent qu'ils se sont éloignés l'un de l'autre au cours des années. Selon une étude suisse, le taux de divorce le plus élevé se situe au bout de 30 ans de vie à deux. 41 pourcent des personnes mariées depuis de longues années ont indiqué être insatisfaites de leur couple. Mais tous les couples ne vont pas divorcer pour autant; ils sont nombreux à avoir démissionné intérieurement de la relation et à vivoter à côté du partenaire. Parfois, c'est aussi la peur de se retrouver seul qui empêche une séparation.
Pourquoi la flamme de l'amour finit-elle par s'éteindre dans les couples liés depuis de longues années? Les chercheurs résument que c'est dû avant tout à la routine. Le quotidien commun fonctionne tant bien que mal, mais pétille de moins en moins, la passion s'est transformée en monotonie. Le lien intérieur s'est relâché. S'il survient alors un problème quelconque, le reste de la solidarité s'effondre. Il s'avère que les fondations de la relation étaient déjà délabrées depuis un bon moment, mais que les partenaires ne l'ont pas vu ou refoulé. La motivation à aller ensemble contre vents et marées est quasiment inexistante. Les petites attentions et les regards tendres remontent à quelques années déjà.
Les raisons de la distanciation intérieure diffèrent selon les individus, mais des sondages ont fait ressortir deux causes principales.
1. La pression des attentes: Les films et chansons d'amour véhiculent une image de la relation de couple qui ne correspond que très peu à la réalité, ce qui crée des attentes excessives; le facteur du romantisme est très faible en faisant les courses, passant l'aspirateur et en repassant le linge.
Un jour, on finit par découvrir que même le plus brillant des princes charmants est une personne tout à fait normale, avec ses forces et faiblesses. Le médecin et journaliste médical Werner Bartens écrit «Attendre de l'autre de nous rendre heureux est un chemin qui a de bonnes chances de mener au malheur». La satisfaction doit naître à l'intérieur de chacun et ne doit pas dépendre des attentions de l'autre.
«Les couples stables, satisfaits, vivent leur vie et leur amour, mais ils n'en demandent pas trop», explique la psychologue Sandra Konrad, l'auteure du livre «Liebe machen. Von der Überforderung eines Gefühls und wie Beziehungen trotzdem gelingen» (Faire l'amour. Le surmenage d'un sentiment et comment réussir sa relation malgré tout).
Au bout d'environ deux ans, une routine du quotidien s'installe dans quasiment tous les couples. Si la magie de l'amour commun ne s'estompe pas entièrement à ce moment-là, le couple a de bonnes chances de surmonter même les défis d'une certaine importance. Si en revanche, chaque coup de main est considéré comme allant de soi et que les compliments ont l'air d'être sévèrement rationnées, les désenchantement se fait sentir; on arrête de voir la vie en rose.
2. Problèmes de communication: Selon le chercheur américain John Gottman qui travaille sur les couples, une communication ratée est une pierre d'achoppement fréquente.
Généralisations: Tôt ou tard, la plupart des couples connaîtront des comportements gênants comme un manque de ponctualité répété, un manque d'organisation ou d'attention. Il peut alors arriver que la frustration s'accumule chez un partenaire qui cherche une soupape en faisant des remarques acerbes. On a souvent tendance à formuler ces dernières sous forme de jugement généralisateur. Ce qui pourrait ressembler à ceci: «Comme tu n'es jamais capable d'être à l'heure, j'ai gaspillé beaucoup de temps précieux au cours de ma vie» ou «Je me demande de plus en plus pourquoi je vis encore en couple si je dois surmonter tous les problèmes tout seul. Tu te défiles à chaque fois que les choses se compliquent.»
Manière de parler agressive: Si, en plus de tout le reste, les enfants causent des problèmes ou la belle-mère crée de l'agacement en trouvant à redire à tout, le ton employé en parlant à l'autre partenaire risque de monter. C'est surtout dans les situations de stress aigu que les attaques verbales en employant un ton irrité surgissent et se transforment rapidement en véritable dispute.
Attaque et contre-attaque: Une escalade verbale cache souvent une accumulation d'insatisfaction. Lorsque cette dernière s'est immiscée dans le couple, il n'est pas rare d'entendre des critiques formulées sous forme de généralisation en employant des termes comme «toujours», «à chaque fois» ou «jamais» qui, selon Gottman, sont dévastateurs. Ils sont souvent suivis en retour par une contre-attaque de réflexe, selon la devise: Tu n'as qu'à sentir toi-même à quel point ces reproches sont douloureuses. Si tu ne me ménages pas, je ne vais pas me retenir non plus. Cela peut donner naissance à une spirale négative dont le couple aura du mal à ressortir seul. Les partenaires ont quasiment cessé de s'écouter vraiment. Afin de relativiser la critique du ou de la partenaire ou la rejeter comme infondée, on a souvent tendance à adopter une attitude défensive pour réagir à une attique généralisatrice. Il y aura alors ce type de propos: «Si mon chef m'ordonne au dernier moment de faire des heures supplémentaires, ce n'est pas la peine que tu me fasses des reproches en plus!». Lors de ces joutes verbales, les protagonistes se coupent souvent la parole.
Les discussions se composent surtout d'attaques, de justifications et de contre-attaques. Dans ce type de situations, il peut arriver que des mécanismes de communication délétères s'installent dans la relation. Un enchevêtrement de justifications, de blessures et d'accusations va se former. Les dialogues n'apporteront plus guère de solutions. Souvent, il n'y a même plus besoin de mots pour déclencher le mécanisme destructif, il suffit d'un soupir morose, d'un souffle mécontent ou d'un regard agacé.
Conflit de loyauté: Par la suite, le couple prend ses distances sur le plan émotionnel, on remet intérieurement en question la loyauté mutuelle car le couple ne répond quasiment plus aux besoins personnels. La réceptivité aux flirts et avances venus de l'extérieur s'accroît car on espère inconsciemment qu'une autre personne sera plus à même de répondre aux besoins de reconnaissance et d'estime.
Les conseillers conjugaux soulignent l'importance de dépassionner le conflit. Les bisbilles émotionnelles font beaucoup de dégâts difficiles à réparer ensuite. Werner Bartens écrit à ce sujet: «La menace pour la relation du couple ne vient pas du conflit en soi, mais de la forme qu'il va prendre - si toutefois il est verbalisé. Si une relation intense et bruyante devient subitement silencieuse, elle est sérieusement en danger car même des agressions mutuelles n'ont plus d'effet de lien.
Attentes erronées En cas de différend, on utilise souvent de formules avec un «tu», par exemple: «Jamais tu ne débarrasses le lave-vaisselle!» Ce sont souvent des manières différentes de voir les choses qui sont à l'origine de dysfonctionnements au niveau de la communication. Il se peut que le partenaire n'a pas conscience que sa partenaire attend de lui qu'il participe au déchargement du lave-vaisselle. Et quant à la partenaire, elle estime que c'est tellement évident qu'elle n'a pas besoin de le dire explicitement. Selon les conseillers conjugaux, on a tendance dans les couples à partir du principe que l'autre nous connaît donc et qu'il ou elle doit savoir ou ressentir les attentes auxquelles il est censé répondre. Ce n'est pas toujours de l'indifférence quand le/la partenaire n'est pas assez attentif - après une journée de travail particulièrement compliquée, il ou elle est peut-être encore au travail dans sa tête.
Si le ton employé dans un couple est souvent celui de l'irritation, il est grand temps d'avoir une discussion pour clarifier les choses lors d'un moment de calme. Il est important alors que les deux partenaires laissent parler l'autre sans lui couper la parole et qu'ils aient la volonté de dépasser les schémas de discussion basés sur les reproches et contre-reproches, voire des menaces. Le défi consiste à laisser de côté les litiges d'ordre secondaire comme le lave-vaisselle non débarrassé, le tube de dentifrice resté ouvert ou les poubelles non sorties et d'aborder le sujet central: le soutien au quotidien qui ne vient pas, le manque d'estime et la tendresse qui fait défaut.
Il convient alors de s'abstenir de formuler des critiques, mais de parler avant tout de son propre ressenti. Formulé de manière factuelle: «Je trouve que je fais beaucoup pour notre ménage au quotidien. J'aimerais que tu fasses ta part toi aussi en te chargeant de plus de travaux, par exemple passer l'aspirateur», la demande est reçue par l'interlocuteur non pas comme attaque frontale, mais comme souhait concret. Ce niveau de discussion permet plus facilement de trouver un compromis.
Certains thérapeutes du couple recommandent de prévoir ces discussions à intervalles réguliers et pas juste quand il y a de l'eau dans le gaz encore une fois. Cela permet d'éviter l'accumulation de frustrations qui éclatent à un moment particulièrement inopportun. Il est aussi utile d'adopter une attitude qui voit la relation comme un processus d'évolution commune, qui engendre des malentendus et des carences de temps à autre, mais aussi des moments de bonheur et de richesse.
Une discussion devrait aussi aborder les aspects qui créent un lien dans le couple. Il est particulièrement important de mentionner les contributions positives de l'autre. Selon la règle approximative de John Gottman, un bon climat dans le couple a besoin de cinq compliments pour chacun des points critiqués.