Nos oreilles sont sensibles, et plus particulièrement les cellules ciliées très fines qui s'y trouvent. C'est surtout le bruit qui les fragilise. Les scientifiques constatent de plus en plus de lésions auditives. Pour cette raison, la recherche met les bouchées doubles pour comprendre comment empêcher la mort des cellules ciliées.
La tendance des écouteurs dans les oreilles ou des casques plus volumineux traverse toutes les tranches d'âge. Le fait dont la plupart n'a probablement pas conscience: Cette sonorisation intensive et assez souvent permanente est tout sauf bénéfique pour l'oreille. En plus, il y a aussi les infections, certains médicaments (des antibiotiques jusqu'aux antipaludéens en passant par les diurétiques) et des processus de détérioration liés à l'âge qui détruisent les cellules ciliées fines de l'oreille interne. Le nombre des atteintes auditives est en forte augmentation, ainsi le constat alarmant des scientifiques.
Auteur: Andrea Pauli, 01.19
Un appareil auditif très sophistiqué se cache à l'intérieur de l'oreille. Il est divisé en deux secteurs: l'oreille moyenne et l'oreille interne. L'oreille moyenne commence au niveau du tympan et va jusqu'à la cochlée. Les osselets se situent entre ces deux extrémités. Ils transmettent les ondes sonores qui arrivent de l'extérieur au tympan vers la cochlée. On peut imaginer la cochlée comme un tuyau enroulé et rempli de liquide (on suppose qu'il s'agit de lymphe). Les contacts des osselets produisent de petites ondes de choc qui se déplacent rapidement le long de la cochlée. Chaque onde de choc transmet alors une fréquence précise en fonction du son aigu ou grave qui vient de l'extérieur.
Les cellules ciliées sont situées le long de la cochlée, ce sont des capteurs sensoriels extrêmement fins. Un secteur de ces cellules ciliées est réservé à chaque hauteur de son audible. Lorsqu'une onde de choc atteint la zone prévue, elle met en mouvement les récepteurs sensoriels qui dépassent de la cellule. Cela stimule la cellule. Elle émet un messager chimique qui va générer une impulsion électrique. C'est cette impulsion qui va à son tour créer la sensation auditive au niveau du cerveau. Chaque cellule ciliaire est en contact avec jusqu'à 20 fibres nerveuses en aval. Et elle équipe ses points de contact de différents canaux de calcium afin d'activer les fibres nerveuses en aval avec différentes intensités pour couvrir ainsi l'ensemble du spectre du volume sonore.
Ce qui rend les cellules ciliées si précieuses: Il n'est pas possible (à l'heure actuelle) de les réparer ni de les remplacer. Contrairement à d'autres espèces du règne animal, le corps humain est incapable de reproduire ces capteurs délicats. Malheureusement, leur nombre diminue lentement et sûrement - et plus souvent nos oreilles sont surmenées, plus la diminution sera rapide. «Les cellules ciliées réagissent aux stimuli de stress dangereux de toute nature par une réponse métabolique au stress», nous explique la privat-docent Dr. Vesna Petkovic, du département biomédecine/recherche sur l'oreille interne de l'université de Bâle. Il y a l'activation d'automatismes cellulaires, suivis de processus biochimiques qui se déroulent en cascade sur plusieurs niveaux cellulaires, et qui peuvent entraîner la mort des cellules.
L'oreille humaine a une rangée de cellules ciliées internes et une rangée de cellules ciliées externes, entre 16 000 et 24 000 capteurs sensoriels fins.
Ces processus biochimiques sont bien étudiés. «En modèle animal, on a réussi à isoler l'organe de Corti et à comprendre les processus organiques qui jouent un rôle dans l'endommagement et la mort des cellules. Ces connaissances constituent la base de nouvelles mesures prophylactiques et thérapeutiques», ainsi le Dr. Petkovik: Les chercheurs stimulent des facteurs de survie des cellules ciliées et bloquent la voie du stress à l'aide de substances pertinentes afin de protéger les cellules ainsi.
Les antioxydants sont un groupe de substances intéressantes dans ce contexte: «Ce sont des blocateurs efficaces. Ils interceptent des radicaux libres toxiques et dérivés réactifs de l'oxygène (ROS), ce qui permet de réduire les dommages et la perte des cellules ciliées. Ces substances dites pièges à radicaux comprennent, entre autres, la vitamine E, l'acide alpha-lipoïque, le resvératrol, le CoQ10, l'Oméga-3, la quercétine, Phényle-N-tert-butylnitrone (PNB) et des composés de biogénèse mitochondriale comme l'acétyle-LC-carnitine.»
Dans les études cliniques, les substances actives sont utilisées, entre autres, sous forme de médicament à base de gel et placées dans l'oreille moyenne à l'aide d'injections à travers le tympan, leur permettant ainsi d'entrer en contact direct avec la fenêtre ovale de la cochlée ou bien les cellules ciliées. «Même dans des cas aigus, p.ex. un traumatisme sonore, l'application d'antioxydants a fait ses preuves», ainsi le Dr. Petkovic.
D'après elle, l'effet des prises orales serait probablement moins efficient. «Nous ne savons pas encore vraiment si les substances actives arrivent bien à l'endroit où l'on en an besoin avec ce mode d'administration», fait remarquer le Dr. Petkovic.
En plus, les scientifiques travaillent depuis des années à trouver une possibilité de remplacer des cellules ciliées perdues de l'oreille interne par des cellules souches: Soit à l'aide de la thérapie génique qui transforme des cellules de soutien voisines en cellules ciliées ou bien qui en reprennent la fonction, soit en transplantant des cellules souches dans l'organe de Corti (ce qui est discutable du point de vue éthique). «Les problèmes rencontrés avec ces approches sont la survie des cellules, leur intégration et différenciation», ainsi le Dr. Petkovic, qui évoque aussi la possibilité théorique d'une formation de tumeur. Elle souligne que «En raison de ces restrictions, d'autres approches de recherche sont nécessaires».
Le côté traitre de la perte des cellules ciliées est qu'il s'agit d'un processus à bas bruit: «Pendant longtemps, on ne remarque rien et on s'habitue à l'audition qui baisse tout doucement», ainsi le Dr. Petkovic, «c'est pour ainsi dire une mort lente dans l'oreille». Ce sont surtout les enfants et adolescents qui sont quasiment incapables d'identifier un trouble auditif. Fait alarmant: Chez les jeunes personnes entre 15 et 35 ans, les traitements par aide auditive ont connu une augmentation de près d'un tiers entre 2010 et 2017. «C'est pour cette raison que la prévention joue un rôle très important», dit la scientifique. Alors qu'un test de la vue est un examen de routine pour la plupart des personnes, elles sont beaucoup trop peu nombreuses à s'occuper régulièrement de leur audition. «Plus une perte d'audition est détectée tôt, meilleures sont les chances de réussir à prévenir d'autres dommages.» Dans ce contexte, le Dr. Petkovic trouve que l'appli «Mimi» est à recommander: Les utilisateurs peuvent tester leur audition et profiter de l'occasion pour adapter la musique sur le smartphone à leur audition.
se déroule pas que dans l'oreille. Lors du traitement des pertes auditives, il ne s'agit donc pas uniquement de mieux entendre, mais aussi de mieux comprendre ce qui a été entendu. Il est possible de s'exercer à l'aide d'un entraînement auditif et d'un ordinateur éducatif. En Suisse, un tel programme est proposé p.ex. par un institut de thérapie auditive; à cette occasion, on essaie aussi plusieurs appareils auditifs.
L'entrepreneur suisse Anton Stucki qui vit en Allemagne et qui a développé le «Naturschallwandler» (transducteur acoustique naturel)* et un procédé thérapeutique pour régénérer l'ouïe (livre «Besser hören, leichter leben» (mieux entendre, vivre avec plus de légèreté), AT Verlag, 2018). Son intention est de rétablir la capacité auditive naturelle. Dans ce but, il a conçu différents exercices visant l'autorégulation du corps humain. «L'approche dépasse l'idée purement mécanique que ce sont des dommages... à l'intérieur de l'oreille, p.ex. des cils pliés, qui sont responsables de la perte d'audition et que ces dommages rendent impossible une amélioration de l'audition», écrit-il dans son livre.
«Nous pouvons reconstruire l'ouïe en entraînant la localisation acoustique et le traitement des informations auditives par le cerveau», ainsi l'hypothèse de Stucki. Par des mouvements guidés ainsi que l'orientation et l'équilibrage de la géométrie corporelle, on apprend un «procédé de base» pour ajuster sa propre perception auditive.
Un robinet ouvert sert de point de repère et source sonore naturelle et il faut s'orienter selon son bruit au cours de divers exercices. Plus tard, le chant s'ajoute comme source sonore. L'entraînement se fait à chaque fois avec le soutien d'une personnes accompagnatrice.
Avec sa méthode, Anton Stucki vise l'objectif ambitieux de «reconstituer le champ auditif, le seuil auditif, de manière à ne plus avoir besoin des appareils auditifs... Le but est de pouvoir se passer entièrement de l'appareil auditif si possible et de récupérer sa propre capacité auditive naturelle.» Stucki est conscient du fait que cela peut être un processus de longue durée, nécessitant un travail continu.
Ce qui compte pour lui est de récupérer le maximum, même de la capacité auditive la plus réduite. «Si j'apprends à traiter plus exhaustivement l'impulsion résiduelle quasiment toujours présente ou l'information résiduelle fournie par les cils pliés, j'entends de nouveau mieux.»