Des chardons comestibles ? Les artichauts, un plaisir gustatif idéal pour la santé.
Ils sont à nouveau là : les jeunes artichauts tendres et joufflus. Certes, ces compagnons à épines se trouvent désormais presque toute l’année, car ils sont cultivés en France, en Afrique du Nord et jusqu’en Israël, reste qu’ils sont quand même meilleurs de mi-avril à novembre.
Auteure : Dr. Claudia Rawer, 04.05
En botanique, on appelle ce chardon comestible Cynara scolymus, il fait partie de la famille des Astéracées, et est donc effectivement cousin du cirse des champs (Cirsium arvense). On entend souvent dire que les ânes, peu exigeants, aiment bien les chardons – peut-être les ânes dignes de ce nom préfèrent-ils la variante plus digeste ? Contrairement aux chardons annuels de nos latitudes, les artichauts sont des plantes de culture vivaces, qui ne forment généralement que des feuilles en écailles la première année, pour devenir à partir de la deuxième année de hautes tiges d’un à deux mètres portant les têtes tant appréciées. Malgré leur apparence épineuse, les vigoureuses plantes d’artichauts, avec leurs feuilles gris vert argenté, leur tête teintée de vert clair ou de violet, et leurs fleurs tout compte fait majestueuses, ornent agréablement le jardin. Il est en revanche délicat de les conserver l’hiver dans nos contrées, car ces plantes sont originaires du pourtour méditerranéen et sont très sensibles au gel. Aussi la plupart des artichauts que nous consommons proviennent de pays méditerranéens ou des bords de l’Atlantique. Les fruits à chair épaisse des artichauts de Bretagne sont particulièrement appréciés, ils sont en outre cultivés suivant un mode respectueux de l’environnement : les bourdons s’occupent de la fructification, l’usage des engrais est fortement réduit. L’Italie aussi nous fournit dès le printemps des artichauts, tandis que d’Espagne et de Sicile nous proviennent des variétés plus petites et très tendres.
Le nom artichaut tire son origine du mot arabe « al-churchufa » (plante comestible) ou « ardi-schauki » (épine, chardon). De l’Égypte à la Grèce, les artichauts savoureux, stimulant la digestion, étaient très prisés dès l’Antiquité. Les Romains privilégiés les appréciaient – rien d’étonnant vu l’opulence de leurs repas. Ils sont arrivés chez nous au 15ème siècle, en passant par la France et la Grande-Bretagne, où là encore la noblesse essentiellement les jugeait exquis. La plus haute société des 17ème et 18ème siècles les a hissés au rang de « rois des légumes » et croyait en leur pouvoir aphrodisiaque.
Cela explique peut-être pourquoi Johann Wolfgang von Goethe évoquait, dans sa correspondance avec Christiane Vulpius, la croissance de ses artichauts dans son jardin de Weimar, ou encore pourquoi il s’en faisait envoyer lorsqu’il était en voyage. Certains prétendent même que l’écrivain tentait de séduire certaines femmes avec un assortiment de légumes cultivés par ses soins, au lieu de roses, et qu’il écrivit à une amie à propos des artichauts : « Du jardin le mieux soigné qui soit, je t’envoie ces roides chardons ». Pour revenir à notre époque : l’artichaut a été élu plante médicinale de l’année 2003.
Les opinions divergent. Wolfram Siebeck, critique gastronomique, estime que seuls les fonds méritent d’être consommés. «On ne mange que le fond de l’artichaut, et rien d’autre ». « Détacher les feuilles de l’artichaut cuit et en mâchouiller les extrémités » représente selon lui « un travail fastidieux, sans intérêt gustatif ». D’autres – même sans lien avec quelconque âne – le contredisent avec véhémence. Faire tremper les extrémités décriées dans une vinaigrette légère, une mayonnaise maison ou une sauce audacieuse, à déguster avec passion : un véritable plaisir, et un moment sympathique à partager à plusieurs. Les amateurs de fonds d’artichaut les consomment de cette façon jusqu’au cœur.
D’autres parentés existent, outre avec les cirses, avec les prémisses de l’été, les marguerites et les bleuets. La carde (Cynara cardunculus) ou cardon, est également une cousine comestible de l’artichaut. Jadis, on la rencontrait souvent dans les jardins des monastères. D’anciennes citations sur les artichauts se rapportaient vraisemblablement (également) aux cardes. Les têtes ne possèdent pas de foin dense, c’est pourquoi on ne consomme que les pétioles blanchis (comme pour les endives). Fraîches, elles ont un goût croquant et légèrement amer, piquant, rappelant la noix. On trouve la carde de fin septembre à fin décembre, elle provient principalement de cultures européennes, d’Espagne, de France et d’Italie. Outre sa forte teneur en potassium et en vitamine C, elle est, comme l’artichaut, riche en cynarine, substance favorisant la bile et la digestion, et est bien tolérée par les diabétiques en raison de sa faible teneur en inuline (polysaccharide soluble sans l’hormone insuline). Pour les préparer, faites blanchir rapidement les tiges, retirez la peau et les épines. La plupart des recettes d’asperges ou de salsifis peuvent tout aussi bien être préparées avec des cardes.
Les artichauts sont riches en vitamine A, C et en glucides. Ils contiennent de la vitamine B, du carotène, des oligo-éléments, des composés amers, des flavonoïdes antioxydants et de la cynarine stimulant la digestion. Pendant longtemps, la cynarine a été considérée comme la substance protectrice du foie, et probablement également à l’origine d’un effet réducteur de cholestérol.
On a toutefois récemment découvert que ce n’était pas la cynarine, mais le cynaroside et la lutéoline qui abaissaient le cholestérol. Toutes bonnes pour la santé que soient les têtes d’artichaut : le cynaroside se trouve cependant essentiellement dans les feuilles, bien moins dans la tête ou le foin. La cynarine elle aussi n’est présente qu’en faible quantité dans la plante fraîche. Si l’on veut améliorer sa digestion ou faire baisser son taux de cholestérol, il ne suffit pas de manger des artichauts, mais il faut recourir aux extraits et aux préparations à base de plantes fraîches, qui contiennent également les substances des feuilles.