Nous sommes peu à les connaître, mais nombreux à les avoir: les infections à chlamydias ne sont ni rares ni inoffensives. Le nombre de cas augmente en Europe; les jeunes sont particulièrement touchés.
Autorin: Claudia Rawer, 11/18
En Suisse comme en Allemagne, le nombre d’infections à chlamydias augmente continuellement depuis plusieurs années: plus de 12 000 cas ont été signalés en 2016. Une gynécologue allemande observait «quelques cas chaque année, il y a dix ou quinze ans. À l’heure actuelle, je reçois presque chaque jour au moins une ou deux femmes infectées.»
L’évolution des mœurs sexuelles, la précocité croissante de la puberté, le dépistage plus fréquent des agents pathogènes: plusieurs raisons expliquent que l’on observe une augmentation flagrante des infections à chlamydias. D’après les estimations actuelles, selon les groupes d’âge, jusqu’à 10% de la population mondiale serait infectée par des chlamydias. 70% des personnes touchées sont des femmes. L’infection est particulièrement répandue chez les jeunes gens, et les jeunes femmes de moins de 24 ans; l’âge moyen des hommes au moment du diagnostic, d’après l’OFSP suisse, est légèrement plus élevé.
Les chlamydias sont des bactéries pouvant occasionner diverses maladies. Les infections par les sérotypes D à K sont fréquentes chez l’humain. Ils occasionnent des maladies au niveau des voies urinaires et des organes sexuels, comme des inflammations de l’urètre (urétrite), qui peuvent toucher aussi bien les hommes que les femmes. Chez les femmes, il existe un danger d’inflammation du col de l’utérus (cervicite) pouvant évoluer en une infection de la muqueuse utérine (endométrite) et des trompes (salpingite). Chez les hommes, on observe des inflammations de la prostate (prostatite) ou des épididymes (épididymite).
Une infection par Chlamydia trachomatis est considérée comme une maladie vénérienne, car elle est sexuellement transmissible. Il y a toujours un risque de contagion lorsque les muqueuses des organes sexuels entrent en contact avec des muqueuses, sécrétions ou objets infectés – très fréquemment lors des rapports sexuels, mais pas uniquement.
Livrées à elles-mêmes, les chlamydias sont à peine capables de survivre. Il leur manque de nombreux processus métaboliques. Elles sont dépendantes des cellules humaines dans lesquelles elles vivent pour leurs besoins en nutriments, comme des acides nucléiques, des protéines et des lipides. En cas d’infection par un agent pathogène dangereux, le matériel génétique des cellules touchées est toujours endommagé. L’organisme humain dispose d’un mécanisme efficace pour empêcher que ces cellules affaiblies se multiplient anarchiquement et causent davantage de dégâts: la mort cellulaire programmée (apoptose).
Pour simplifier, disons que les rusées chlamydias contournent cette fonction protectrice en désactivant une certaine protéine. La protéine du suppresseur de tumeurs p53 est capable d’empêcher la multiplication de cellules dysfonctionnelles, leur donnant ainsi le temps de réparer les dommages sur leur matériel génétique ou bien, si cela n’est plus possible, de commettre un «suicide cellulaire».
La question de savoir comment les chlamydias empêchent p53 de fonctionner n’est pas encore résolue. Mais lors d’une expérience scientifique menée à Würzburg, la concentration de cette protéine protectrice a été artificiellement élevée, et on a observé que les chlamydias n’arrivaient plus à se développer, et restaient non infectieuses.
Les chlamydias ont une autre façon d’empêcher leur découverte et leur élimination lorsqu’elles ont réussi à s’infiltrer dans l’organisme humain. Il s'écoule en moyenne deux, voire même six semaines, entre l'infection et l'apparition des premiers symptômes. Chez les femmes, ces bactéries pourront entraîner une infection des voies urinaires, qui se signalera par des douleurs et des brûlures lors de la miction – et qui sera dans certains cas confondue avec une cystite, bien moins grave. De fortes pertes, ou des saignements intermédiaires, sont un symptôme plus précis. Mais 70-90% des femmes infectées ne ressentent que des douleurs très légères, voire pas du tout.
Le pire, dans tout cela, c’est que si l’infection n’est pas diagnostiquée ni traitée, elle peut d’une part être transmise involontairement par les personnes touchées, et d’autre part avoir de graves conséquences chez les femmes. Si les agents pathogènes se répandent jusqu’au col de l’utérus, aux trompes ou aux ovaires, des symptômes de fièvre et de douleur au bas-ventre pourront apparaître – mais pas toujours. Le risque principal en cas de chlamydia est l’apparition d’adhérences dans les trompes, entraînant alors l’infertilité. D’après les spécialistes, les infections à chlamydias non détectées seraient la cause la plus fréquente d’une impossibilité à concevoir. D’autres complications possibles après une infection sont les grossesses ectopiques ou extra-utérines, ou l’augmentation du risque de rupture prématurée de la poche des eaux, ainsi que des naissances prématurées ou de fausses couches. Depuis quelques années, on soupçonne également les chlamydias d’être impliquées dans l’apparition des cancers des ovaires et du col de l’utérus.
Test négatif: Si seules les jeunes femmes de partout ne tombent pas enceintes, une infection à Chlamydia pourrait être la cause d'une absence d'enfants non désirée.
Si une femme enceinte contracte une infection à chlamydias, des agents pathogènes seront transmis au bébé lors de la naissance dans 60-70% des cas au moins. Les nouveau-nés développent alors souvent, entre leur 2ème et leur 18ème semaine, une conjonctivite ou une pneumonie. Il peut aussi arriver, plus rarement, qu’apparaisse une otite moyenne nécessitant un traitement. Là également, seuls les antibiotiques pourront venir à bout des chlamydias – et dans tous les cas, ce n’est pas un bon départ dans la vie.
Chez la moitié environ des hommes infectés par des chlamydias, on n’observe pas non plus de symptômes perceptibles. Pour les autres, une miction douloureuse ou difficile, des pertes au niveau de l’urètre ou encore des douleurs testiculaires pourront indiquer l’infection. En plus de l’infection de l’urètre, il peut également y avoir infection des testicules, des épididymes ou de la prostate. Chez les hommes jeunes en particulier, on observe également ce que l’on appelle une arthrite réactionnelle, qui est une inflammation aigüe d’une ou plusieurs articulations.
La meilleure protection contre la contagion par voie sexuelle est l’utilisation de préservatifs – mais il n’y a pas de risque zéro. En conséquence, il convient de consulter au moindre soupçon d’infection. Le diagnostic s’appuie sur un frottis et/ou une analyse d’urine; le résultat est connu au bout de quelques jours. Si l’infection à chlamydias est confirmée, la personne concernée doit impérativement en informer son ou sa partenaire, qui peut potentiellement souffrir de la même infection et nécessiter un traitement. Cela permet alors d’éviter l’effet dit «ping-pong» où chacun réinfecte l’autre à son tour. La timidité, la honte, ou pire encore la dissimulation d’une infection ne sont aucunement indiquées lorsqu'on prend en considération les conséquences potentielles.
En règle générale, les chlamydias ne résistent pas aux antibiotiques, même si, comme d’autres agents pathogènes, elles ont souvent tendance à devenir plus résistantes. En cas de fort soupçon, les médecins commencent un traitement antibiotique combiné avant même d’avoir reçu les résultats définitifs du frottis. En effet, si des adhérences se forment dans les trompes suite à une infection non traitée, il sera trop tard pour faire marche arrière, ce qui a des conséquences très graves pour les jeunes femmes qui souhaitent avoir des enfants.