Les piments : on en raffole ou l’on s’en détourne, en martelant : « je ne supporte pas les plats épicés ! » Mais les cousines du poivron existent dans toutes les variantes, de doux à ultra-piquant, et sont bonnes pour la santé.
Les gousses de piment apportent bien plus que des épices dans les plats : elles y mettent de la couleur et de la variété, et libèrent des nuances de goûts étonnamment différentes. Huiles essentielles, substances amères, épicées et colorantes contribuent à notre santé de multiples façons. Enfin, c’est un plaisir de cultiver ses propres piments, et de les cueillir au besoin pour rehausser un en-cas, donner du caractère à une salade de tomates, rendre savoureux un plat en cocotte, réaliser une délicieuse sauce ou faire griller quelques délices sur le barbecue.
Auteure : Dr Claudia Rawer, 03/16
Rien qu’avec les noms, les types et les variétés, on pourrait remplir une encyclopédie. Il ne s’agit en fait que d’une seule espèce : Capsicum annuum, le poivron, appelé en Suisse peperoni, dans d’autres pays poivre espagnol. La diversité va du poivron doux à l’habanero ultra-piquant, du piment tepin, de la taille d’un pois, considéré comme la forme d’origine, jusqu’à la gousse de 25 cm, du fruit vert et rouge aux variétés jaune d’œuf ou jaune citron, de la couleur orange, violette à presque noire.
Dans ce chatoiement de piments, quelques espèces de capsicum se glissent encore : C. frutescens (par ex. tabasco), C. baccatum (« Aji ») ou C. chinense, lequel produit un fruit d’un piquant brûlant (et ne provient pas de Chine). Mais nous laisserons ces détails aux botanistes et aux véritables fans de piments, cueilleurs et amateurs, pour qui la libération de l’endorphine contenue dans le piment contribue au bonheur.
Comme on l’a déjà mentionné, on appelle souvent le poivron « peperoni », en Suisse notamment. Les Allemands utilisent également le terme peperoni, mais pour désigner la variante piquante (le piment), ce qui ne perturbe pas seulement les Suisses. Les peperoni allemands se disent en Suisse et en Italie « peperoncini ».
La confusion des termes a commencé il y a plusieurs siècles : Christophe Collomb, qui, comme chacun sait, croyait aller en Inde en découvrant l’Amérique, a considéré que les piments étaient cousins du poivre indien (piper nigrum). Il les a alors baptisés comme cette épice extrêmement chère à l’époque,
d’où le nom de « gousse de poivre espagnol ». Il s’agit là encore d’un imbroglio linguistique, car en espagnol le poivre se dit « pimienta », tandis que « pimiento » désigne à la fois poivrons et piments. Quant au piment de la Jamaïque, il fait partie d’une autre famille de plante, mais porte le même terme. Pour faire simple, je désigne dans cet article par « piment » tous les membres de la famille Capsicum, de petite taille, avec un goût plus ou moins piquant (échelle simplifiée de 1 à 10).
Le piment est originaire d’Amérique latine. Il n’était pas connu ailleurs. Au cours des siècles, par le biais des cultures ciblées, de nouvelles variétés sont apparues.
Le piment est incontournable dans la cuisine sud-américaine, indienne et thaïlandaise. De nos jours, on trouve de vastes plantations de piments au Mexique, en Inde, en Indonésie, en Thaïlande, au Japon et en Chine, également au Nigeria, en Ouganda et en Tanzanie. La récolte se fait manuellement.
En Suisse, on consomme communément les poivrons et les variétés apparentées depuis les années 50. Comme bien d’autres choses, cela a été un cadeau apporté par les travailleurs étrangers. Ils nous ont ainsi fait découvrir une nouvelle épice à cuisiner. Les voyageurs, les amoureux de la cuisine exotique, les mères de famille expertes et les cuisiniers amateurs connaissent désormais parfaitement les poudres et sauces épicées, le poivre de Cayenne, le piment d’Espelette venu de France, le pimentón de la Vera cultivé en Espagne, le sambal oelek, la harissa ou le tabasco, ainsi que des espèces fraîches que l’on trouve de plus en plus sur les marchés et dans les magasins, comme le « pimiento de Padrón », le jalapeño aromatique avec sa pointe arrondie, ou l’habanero en forme de boule.
Legend: Jalapeños
Les pimientos verts de Padron, au Nord de l’Espagne, sont appréciés notamment en tapas, saupoudrés de gros sel marin, ils sont délicieux cuits à la poêle ou au gril. Ils conviennent aux novices en matière de piment, attention toutefois : l’intensité du piquant peut varier d’une gousse à l’autre. L’une peut avoir une saveur douce, l’autre brûlante.
Les Jalapeños et leur piquant atténué sont également à conseiller aux débutants, mais l’échelle d’intensité va de 1 à 5 selon les cultures.
On peut encore goûter aux fruits pointus et charnus de la variété Anaheim/New Mexican. Son intensité varie de 1 à 4. Les grandes gousses de 15 à 20 cm sont idéales pour être farcies : au Mexique, on aime
les « chiles rellenos », ce sont des piments Anaheim ou Poblano farcis au fromage, cuits au four et servis avec une sauce tomate fruitée.
Les poivrons cerises très doux sont originaires de Hongrie et sont parfaits en macération, ou fourrés en antipastis.
Les piments Serrano conviennent plutôt aux connaisseurs, et sont incontournables dans la cuisine mexicaine. Atteignant 6 sur l’échelle des intensités, ils sont plus piquants que les Jalapeños et déploient un goût intense typique.
Les habaneros sont les plus généreux en intensité, et sont à classer parmi les aliments « brûlants ».
Pour ceux qui veulent essayer : Il faut toujours goûter avec prudence, avoir du lait, du yaourt, de l’huile ou du pain sec à portée de main, et se familiariser peu à peu avec les différentes nuances de saveur et d’intensité.
Qu’est-ce qui donne au piment ce gout si caractéristique, plus ou moins intense ? Le piment contient, en concentration très variable, une substance (la capsaïcine) et ses liaisons apparentées, qui produisent ensemble la saveur piquante : Plus il y a de capsaïcine, plus ça brûle le palais !
Les poivrons cultivés en Hongrie depuis les années 50 n’en contiennent pratiquement plus. L’intensité est mesurée selon un processus complexe sur l’échelle de Scoville, qui va de 0 (pas de capsaïcine, goût non piquant) à près de 16 millions d’unités Scoville (capsaïcine pure, usage médical uniquement, non comestible). Le seuil de brûlure moyen est de 16 unités Scoville ; toutefois chacun a sa tolérance propre à l’égard de la capsaïcine. En outre, la consommation régulière de cette substance augmente le seuil de tolérance.
La valeur de l’unité Scoville est donc plutôt imprécise. Pour y voir plus clair : le tabasco rouge est entre 2500 et 5000 unités Scoville, le Jalapeños considéré comme assez doux entre 2500 et 8000.
Par ailleurs, les unités Scoville se réfèrent généralement aux piments séchés, bien plus puissants que les gousses fraîches. Il est donc bien plus pertinent d’utiliser une échelle d’intensité de 1 à 10, même si elle n’est pas très précise : lorsque les peperoncini verts d’Italie ou de Turquie affichent la valeur 1 et le tabasco 5, toute personne possédant une perception des saveurs ordinaire comprendra qu’une sauce baptisée « Vicious Vampire » avec une valeur de 10 sera bien trop forte.
Les écarts importants de l’échelle révèlent que l’intensité des piments dépend de différents facteurs, notamment du climat du pays d’origine. Pour aider les novices, il existe un outil, le «Brenn-o-meter» du site Internet « Pepperworld » (pepperworld.com/scharfegrad-skala)
De nouveaux domaines d’application médicale de la capsaïcine sont sans cesse découverts. Les premiers habitants du continent américain utilisaient déjà le piment contre les maux de dents ou l’arthrose. Depuis 1928, les pansements antidouleur et chauffants à la capsaïcine, en différentes concentrations, sont connus pour soulager les lumbagos, les migraines, les zonas, les névralgies (postherpétique et trigéminale). Dans certains cas, à utiliser uniquement sous surveillance médicale !
Les applications concernant l’infarctus du myocarde et le cancer de la prostate ne sont pas encore d’actualité. Pour l’instant, seuls des tests sur les animaux ont révélé que de fortes doses de capsaïcine pouvaient tuer les cellules cancéreuses de la prostate, et réduire les lésions cardiaques après un infarctus.
Les épices piquantes augmentent la production de sucs digestifs, rendant ainsi la nourriture plus digeste, stimulent et améliorent le sens du goût. Elles favorisent la transpiration et l’élargissement des vaisseaux sanguins dans la peau, ce qui abaisse la température du corps.
Autre élément important : l’action désinfectante des épices. Leurs composants empêchent le développement des bactéries. Enfin, notons qu’elles rehaussent l’humeur, comme mentionné plus haut : la libération de l’hormone du bonheur (endorphine) stimule et procure une sensation de bien-être.
Reste que cette répercussion n’est pas la même chez tout le monde. La capsaïcine est en effet soupçonnée de provoquer chez certaines personnes douleurs gastriques, diarrhées et inflammations de la vessie. Cependant, la consommation de piment est dans l’ensemble bénéfique pour la santé.
Il semble que ceux qui mangent souvent du piment vivent en meilleure santé que ceux qui se détournent des plats épicés. Les amateurs de piment décèdent moins de maladies cardiaques et respiratoires, leur risque de contracter un cancer est également plus faible. C’est ce qu’ont révélé des médecins et des nutritionnistes chinois dans une étude parue au « British Medical Journal ». Les données proviennent d’examens et d’entretiens réguliers sur plus d’un demi-million de Chinois adultes, dans dix régions de Chine.
Les piments protègent-ils le foie ? L’Association Européenne pour l’Étude du Foie (EASL) a récemment émis l’hypothèse que la consommation quotidienne de capsaïcine pourrait empêcher l’apparition d’une cirrhose.
La concentration de capsaïcine dans les poivrons diminue en s’éloignant de la tige. Pour de nombreuses variétés, la pointe est donc moins piquante que la base.
Contrairement à ce que l’on entend souvent, l’intensité maximale n’est pas dans les pépins. Les piments sans pépins sont plus doux simplement parce que durant l’épépinage, les tissus clairs et riches en substances piquantes, sur lesquels reposent les pépins, sont éliminés avec les pépins.
Les parties vertes de la plante, comme les feuilles et la tige, renferment des substances toxiques et ne doivent pas être consommées. La part en éléments non comestibles est toutefois moins élevée que chez les autres solanacées.
Le sel aromatique « Herbamare® Spicy » doit sa saveur relevée au piment.
Le poivron et le piment ont été désignés en 2015/2016 « légumes de l’année » en Allemagne, par l’association pour la préservation de la diversité des plantes utiles (VEN).
Les gousses fines et effilées, rouges ou vertes, que l’on trouve dans presque tous les supermarchés, sont généralement cultivées aux Pays-Bas (variété « Red Dutch »). Ces piments sont adaptés aux goûts de l’Europe centrale, et sont tout au plus d’intensité modérée. Ils ont perdu de leur saveur et de leur caractère d’origine.
Pour préparer les piments, l’idéal est de porter des gants. (les lunettes de protection ne sont utiles que pour les variétés très fortes ou les personnes sensibles). Même avec les gants, il faut éviter de toucher d’autres parties du corps, surtout ne pas se toucher le nez ni s’essuyer les yeux !
Voici la meilleure méthode pour éliminer les substances piquantes : à l’aide d’une cuillère à café, versez de l’huile sur les mains / les gants, et lavez abondamment avec du savon ou du liquide vaisselle.
Les piments sont plus forts que prévu ? Boire ne sert à rien !
Seules les matières grasses (et l’alcool) dissolvent la capsaïcine, le lait et les yaourts apaisent la sensation de brûlure. Si l’on mâche du pain sec, la salive et la capsaïcine seront absorbées par le pain. On peut alors avaler, sans irriter davantage les récepteurs de la douleur.
Attention : les piments ne conviennent pas aux enfants ni aux animaux domestiques !