Les fruitiers sauvages agrémentaient autrefois les jardins ruraux et la campagne avant de tomber presque dans l'oubli. Que trouve-t-on dans ces plantes rustiques et pourquoi faut-il à nouveau les valoriser.
Les fruits sauvages sont considérés comme les formes ancestrales des fruits cultivés, car ils poussent aussi dans la nature sans l'intervention des hommes et ils n'ont pas, ou peu, été modifiés jusqu’à présent pour la culture, ce qui leur a permis de conserver leurs qualités de plantes sauvages. Selon la définition qu'ils en donnent, les jardiniers n'incluent dans la dénomination "fruits sauvages" que des espèces indigènes comme le sureau et la prunelle ou les plantes naturalisées depuis longtemps, telles que l'amélanchier ou le mûrier. Lorsque l'on se promène à la campagne en prêtant attention à son environnement, on peut certes encore découvrir occasionnellement ces beaux fruitiers sauvages au bord des chemins et en lisière des forêts. Mais peu de personnes sont capables de les reconnaître – et ceux qui savent que leurs fruits peuvent entrer dans la composition de préparations saines et délicieuses sont plus rares encore.
Que les fruits sauvages soient presque tombés dans l'oubli tient tout d'abord à leur saveur pleine de caractère, et ensuite à leur récolte très fastidieuse. Nombre de fruits sauvages ne peuvent être dégustés qu'après avoir été transformés. Crus, ils ne sont pas digestes et ne sont pas non plus aussi sucrés que les fruits cultivés ultra-sélectionnés, mais sont plutôt acides ou amers.Depuis l'entrée en vigueur de la convention sur la biodiversité en 1992, le nombre de zones de conservation des fruitiers sauvages ne cesse de progresser. Des solutions de récolte mécanique ont été trouvées aujourd'hui pour certaines espèces et la demande augmente avec la prise de conscience sur l’importance de la santé. En Allemagne, le commerce des produits à base de sureau, d'aronia et d'argousier explose de nos jours. L'Autriche peut se faire valoir d'une longue tradition ininterrompue d'utilisation du cornouiller.
C'est justement en Suisse, où il n'existe guère de tradition de culture de fruits sauvages, que les collections probablement les plus importantes d'Europe ont vu le jour ces dernières années. L'arboretum dans la vallée Seetal en Argovie compte environ 2500 spécimens de 500 variétés de fruitiers sauvages. Le second site dans le Seetal se trouve à Hallwil, des argousiers, des amélanchiers, des épines-vinettes, des rosiers sauvages, ainsi que le myrobolan (prunier-cerise) y sont majoritairement cultivés.
À Saint-Gall, ce sont 350 plantes de 100 espèces sauvages qui ont été plantées à proximité du jardin botanique et à Mogelsberg, 1500 arbres et arbustes de 225 espèces de fruitiers. Que ce soit à Seetal ou à Saint-Gall, les collections ne cessent d'être agrandies.
Des visites guidées et des dégustations permettent d'accroître la réputation et l'importance des fruitiers sauvages. Contrairement aux idées reçues, les baies du sorbier des oiseaux (ou encore des oiseleurs) ne sont absolument pas toxiques, mais elles sont en fait très bonnes pour la santé grâce aux vitamines et aux nombreux antioxydants qu'elles contiennent, comme l'explique Waltraud Kugler, écologiste du paysage et conseillère senior de la Save Foundation à Saint-Gall. En Europe de l'Est, la confiture de baies de sorbier des oiseaux est un produit courant, et en médecine populaire, ces fruits s'utilisent pour lutter contre le scorbut.
Viorne commune (Viburnum opulus) (Photo: WikimediaCommons/Lestat)
Le sorbier des oiseaux est considéré comme toxique en raison de la présence d'acide parasorbique, un principe actif pouvant provoquer des troubles digestifs en cas de trop grande ingestion, mais celui-ci se transforme en acide sorbique lors de la cuisson, un conservateur courant non dangereux utilisé en alimentation. De toute façon, étant amères, il est peu probable que les baies de sorbier des oiseaux soient consommées en grandes quantités à l’état cru, car ce n'est qu'une fois cuites et confites qu'elles développent leur arôme sucré et fruité incomparable.
Les fruits sauvages sont riches en tanins et substances amères. Afin d'adoucir leur amertume, les prunelles, les cynorhodons, les baies d'épine-vinette et les nèfles par exemple sont récoltées seulement après les premières gelées, car le froid décompose les substances amères et renforce le goût sucré. Certaines substances présentes en plus grandes quantité dans les espèces sauvages que dans les formes cultivées, sont également responsables de leurs multiples bienfaits pour la santé. Parmi les substances prouvées, on trouve surtout des composés bioactifs comme les anthocyanes et les flavonoïdes, une teneur élevée en vitamine C ainsi que de nombreuses vitamines et minéraux. En ce qui concerne les bienfaits pour la santé des fruits sauvages, les effets antioxydants, antimicrobiens et anti-inflammatoires ont notamment été scientifiquement prouvés.
Épine-vinette commune (Berberis vulgaris) (Photo: WikiemdiaCommons/Sabenica)
Plusieurs études attestent que les fruits sauvages présentent un potentiel élevé pour la santé, sous la forme d'une multitude de nutriments et de composés bioactifs. Le fort effet antioxydant des substances végétales secondaires joue un rôle important à cet égard, car le stress oxydant est largement impliqué dans de nombreuses maladies chroniques. La présence de composés phénoliques notamment a été démontrée dans différentes espèces de myrtilles sauvages, dans les prunelles, les cornouillers et les alisiers, ainsi que des phénols et des flavonoïdes dans les framboises et les fruits de l'olivier de Bohême. Les analyses de fraises des bois, des framboises et myrtilles sauvages ont prouvé que les variétés sauvages développent un effet antioxydant bien plus élevé que les formes cultivées.
La médecine populaire utilise depuis longtemps certaines espèces de fruits sauvages comme remèdes : parmi elles, l'aubépine est un remède connu pour le cœur, les baies de sureau et d'argousier sont des remèdes traditionnels contre le rhume, les myrtilles contre les inflammations et les prunelles contre les troubles digestifs. Le cynorhodon et les baies d'argousier ont une teneur en vitamine C beaucoup plus élevée que les citrons, c'est pour cela que les baies d'argousier sont également surnommées les "citrons du nord". De plus, l'argousier est considéré comme une des rares sources de vitamine B12 d'origine non animale et favoriserait la santé de la peau, aussi bien en application interne qu'externe.