Les enfants atteints de rhumatismes sont contraints d'endurer douleurs et thérapies multiples. Ils ont moins de temps libre et bien plus de soucis et de craintes de l'avenir que leurs camarades en bonne santé. Mais ce n’est pas tout. Ils doivent bien trop souvent faire face à des remarques stupides et endosser le rôle de quelqu’un d’« à part ».
Lors d’une visite au Centre ambulatoire des rhumatismes de Tübingen, la rédaction de « Gesundheits-Nachrichten » a constaté les souffrances et les sacrifices que doivent subir les enfants atteints de rhumatismes et leurs parents.
Divers entretiens avec les patients et les thérapeutes ont mis en évidence un souhait avant tout : qu’une meilleure compréhension de cette maladie soit possible. Cela passe par davantage d'informations ; en effet, les gens en bonne santé ne réalisent pas les conséquences énormes – physiques et psychiques – auxquelles sont confrontés les enfants atteints de rhumatisme.
On en sait relativement peu sur les causes et le développement de cette maladie. Généralement, plusieurs facteurs se superposent. La prédisposition peut jouer un rôle mais une infection peut également provoquer son déclenchement. Le système immunitaire se tourne alors malencontreusement vers ses propres tissus, au lieu de combattre l'agent infectieux. Parmi les autres facteurs déclencheurs, on peut citer les accidents, les efforts trop intenses, les périodes de tension psychique. Cependant, dans la plupart des cas, une inflammation chronique se développe sans cause identifiable.
Le terme « rhumatisme de l’enfant » désigne une atteinte douloureuse des articulations et des tissus conjonctifs. Les formes les plus répandues sont l’arthrite aiguë ou chronique (arthrite juvénile). Les rhumatismes aigus, dix fois plus fréquents que les rhumatismes chroniques, sont souvent déclenchés par des infections liées au virus de la rubéole ou par des bactéries. Les inflammations des articulations ne durent généralement que quelques jours ou quelques semaines.
Néanmoins, elles peuvent parfois durer plusieurs mois, voire une à deux années, et ressurgir à diverses reprises. Les épisodes chroniques, survenus le plus souvent sans cause extérieure identifiable, restent malheureusement (trop) longtemps inaperçus.
Les perspectives sont meilleures pour les enfants que pour les adultes. À la longue, on parvient souvent à apaiser la maladie. Plus la thérapie commence tôt, meilleurs sont les résultats. La prise en charge médicamenteuse se combine avec une gymnastique de rééducation. L’accompagnement social est primordial, y compris pour les familles. En cas de rhumatismes sévères, les patients souffrent souvent toute leur vie de séquelles comme la perte de l’acuité visuelle ou l'inaptitude au travail. Certains sont contraints de se déplacer en fauteuil roulant un long moment.
Comme précédemment énoncé, les épisodes chroniques de rhumatisme chez l’enfant restent souvent longtemps inaperçus. Aussi est-il indispensable de connaître les signes avant-coureurs : gonflement des articulations, sensation de chaleur autour d’une articulation, réduction de la mobilité accompagnée de douleurs. Chez les très jeunes enfants, les bras et les jambes sont souvent potelés et un léger gonflement de l’articulation reste de ce fait souvent non détecté.
Des parents attentifs remarquent chez leurs enfants atteints de rhumatisme une posture inhabituelle de l’articulation concernée (les positions qui soulagent font moins mal !). En raison de l’atteinte de l’articulation, l’enfant boîte, saisit les choses différemment ; il lui est difficile de manger, d’écrire, de s’habiller et de se déshabiller. L’enfant atteint passe souvent pour maladroit, n’aime pas marcher et a un sommeil agité.
Nicole (aujourd’hui âgée de 22 ans) souffre de polyarthrite juvénile depuis l'âge de 8 ans. Les premiers signes sont apparus après une opération des amygdales et une méningite. Il se peut que ces événements aient contribué au déclenchement des rhumatismes. Au début, seulement quelques articulations étaient concernées, comme l’articulation de l’index droit et la cheville gauche. Lorsqu'elle eut 12 ans, la maladie s’est étendue à pratiquement toutes les articulations, épargnant toutefois la mâchoire. Depuis un an, les inflammations atteignent également les tendons.
La crise survient généralement au moment précis où Nicole le souhaiterait le moins, par exemple avant un examen ou durant la saison de football. Elle a constaté que les crises étaient souvent liées au stress. Les crises sont très irrégulières. Il y a parfois des semaines de répit, des mois, voire des années. Durant ces périodes, Nicole n’éprouve aucune douleur, ne sent aucune raideur au niveau des articulations au réveil, et ne subit ni perte de mobilité ni diminution de ses forces. Dans ces moments-là, elle se sent réellement bien et elle adore jouer au football. Nicole, qui fait preuve d’un grand courage, explique : « Je vis avec ma maladie » et elle la compare à des poussées de fièvre : « Lorsque j’ai de la fièvre, je ne me sens pas bien, et sans fièvre, je me sens bien ». Depuis, la jeune femme au tempérament combatif a suivi une formation en peinture automobile.
Lorsqu’on lui demande comment elle se sent en période de crise, Nicole répond : « En période de crise, je suis souvent de mauvaise humeur, je n’ai goût à rien. La plupart du temps, j’ai l’impression de tomber dans un gouffre, duquel je dois m’extirper pas à pas. » Même si elle lutte courageusement contre les crises, elle ne peut nier de terribles sentiments de détresse. « Connaissez-vous ce sentiment d’avoir envie de pleurer de tout votre cœur, sans parvenir à verser une seule larme ? C’est terrible de sentir au réveil la douleur et ses articulations enflées. »
Bien qu’elle soit soutenue par ses parents et ses frères et sœurs, Nicole se sent au fond d'elle-même très seule dans les phases de crise aiguë. Néanmoins, sa volonté farouche lui permet de tenir bon et elle pense aux moments sans crise, qui lui rendent la vie supportable. Nicole estime que les gens en bonne santé n'ont aucune idée de ce que peut ressentir quelqu’un souffrant de rhumatismes.
Monika Hug, infirmière au Centre ambulatoire pour les rhumatismes, entend parfois des remarques comme « Les rhumatismes, ce n‘est pas si grave, on peut vivre avec » ou encore « Votre enfant a des rhumatismes ? Ce n’est pas possible. Cela ne touche que les personnes âgées ». Cette méconnaissance rend la vie des enfants concernés inutilement plus difficile.
Certains enfants ne veulent pas que leurs camarades de classe aient connaissance de leur maladie, tandis que d’autres l'assument ouvertement. Les enfants les plus jeunes sont relativement enclins à « admettre » leur maladie. Une jeune fille souffrant de rhumatismes affirme quant à elle : « Je ne veux pas de pitié. Je veux juste vivre normalement. »