Un million de personnes en Suisse et huit millions en Allemagne sont régulièrement contraintes de se reposer dans une pièce sombre, car elles ont l’impression que leur tête va éclater : elles souffrent de migraine. La plupart des personnes concernées prennent des médicaments. La nature fournit également une aide précieuse.
Anja Rech, 12.17
« Vous avez juste mal à la tête ? » Nombreux sont ceux qui ne connaissent pas la migraine, et leur réaction agace souvent les patients concernés. Il s’agit véritablement d’une maladie neurologique reconnue, qui peut immobiliser pendant des jours ceux qui en souffrent . La migraine est considérée comme chronique si elle survient au moins 15 jours par mois. Selon les données de la société suisse pour l’étude des céphalées, une femme sur six et un homme sur 16 sont concernés, soit un million de Suisses. Pour diagnostiquer une migraine, on se base sur la description du patient, car les méthodes d’imagerie médicale ne donnent pas de résultats probants. Le médecin détecte une migraine devant un mal de tête qui dure entre quatre heures et trois jours, et correspond aux critères suivants :
Dans 10 à 15 % des cas, les patients subissent l’apparition d’une aura avant le mal de tête. L’aura est une manifestation neurologique provoquant généralement des troubles de la vision, comme l’apparition d’éclairs ou de lignes en zigzag. Des difficultés d’élocution, des fourmillements ou des vertiges peuvent survenir. Ce phénomène est inoffensif et disparaît souvent en moins d’une heure. Les scientifiques savent désormais parfaitement comment ces crises apparaissent.
Chez les personnes à tendance migraineuse, les cellules nerveuses du cerveau sont hypersensibles. Elles ont plus de mal que les autres à se protéger des stimulis extérieurs. De trop fortes sollicitations provoquent un surmenage dans le cerveau. Les centres nerveux traitant la douleur sont activés et répandent des neurotransmetteurs dans les vaisseaux sanguins des méninges. Cela déclenche les symptômes suivants : les artères s’élargissent, une réaction inflammatoire douloureuse s’ensuit. Les patients ressentent les pulsations des vaisseaux, c’est la migraine.
Une nouvelle catégorie de médicaments, les anticorps ciblant le CGRP (Calcitonin Gene Relatide Peptide) est actuellement sous les projecteurs. Ces substances bloquent la protéine appelée « peptide relié au gène calcitonine » produite par l’organisme, largement impliquée dans l’apparition des crises de migraine. Les premières études ont révélé des résultats prometteurs selon le professeur Arne May, spécialiste des migraines à l’hôpital universitaire de Hambourg-Eppendorf : la fréquence des attaques diminue, ou disparaît même totalement chez certains patients, avec une faible proportion d’effets secondaires. Le chercheur estime que les premiers traitements devraient être lancés sur le marché fin 2018.
Il n’est pas toujours nécessaire de recourir aux médicaments de synthèse, la migraine peut s’apaiser également grâce à des solutions naturelles. En Suisse, un patient sur trois a recours à des traitements alternatifs et à des plantes médicinales en cas de migraine. En guise d’automédication pour les crises, le professeur Sigrun Chrubasik-Hausmann de Bad Ragaz recommande de l’huile essentielle de menthe poivrée à 10 %, à appliquer sur le front et les tempes. « Les études ont révélé que la menthe était aussi efficace qu’un gramme de paracétamol », explique la spécialiste des traitements naturels de médecine générale, qui dirige le groupe de recherche en phytothérapie de l’institut de médecine légale de l’Université de Fribourg (Allemagne). « Après 15 minutes, l’intensité des maux de tête avait considérablement diminué. L’action perdure pendant plus d’une heure ». La plante à l’effet antalgique le plus efficace est l’extrait d’écorce de saule, qui contient de l’acide salicylique, c’est-à-dire de l’aspirine. « Contrairement à l’aspirine, l’extrait d’écorce de saule n’affecte pas les muqueuses gastro-intestinales, et n’a pas d’effet anticoagulant significatif ».
Chez de nombreux patients, certains facteurs extérieurs jouent un rôle décisif, ce sont les éléments déclencheurs de la migraine. Parmi ceux-ci figurent notamment le stress, les menstruations, les changements de rythme de sommeil, les variations météorologiques, ou encore certains aliments. La première mesure dans le traitement des migraines est de détecter ces éléments, pour pouvoir les enrayer. Cela peut se faire à l’aide d’un journal des douleurs (parfois appelé calendrier des maux de tête), que vous pourrez trouver chez un médecin ou télécharger gratuitement sur internet (par exemple sur www.headache.ch).
Cette compilation est très utile au médecin pour établir le bon diagnostic et évaluer si la thérapie est appropriée. Les spécialistes des maux de tête recommandent aujourd’hui un traitement multimodal, composé de plusieurs mesures interagissantes. Outre les antalgiques, des mesures non médicamenteuses interviennent. De nombreux patients souffrant de migraine sont soulagés par des médicaments classiques comme l’Aspirine, l’Ibuprofène ou le Paracétamol. Le médecin pourra également prescrire des Triptans. Ces substances freinent la diffusion des neurotransmetteurs liés à la douleur, et contribuent à resserrer les vaisseaux qui se sont élargis dans le cerveau. Les douleurs s’apaisent ainsi. Ce traitement est efficace uniquement en cas de migraine, et non contre les autres formes de maux de tête. Attention : la prise sur le long terme est nocive.
En prévention, certaines plantes médicinales ont fait leurs preuves, par exemple la grande camomille (Tanacetum parthenium). « En Grande-Bretagne, des patients ont consommé chaque jour deux à trois feuilles fraîches de cette plante dans un sandwich pendant trois mois », raconte le professeur Chrubasik-Hausmann. Résultat : de nombreux patients n’ont subi aucune crise de migraine, ou alors de moindre intensité, et sans nausée. Ces feuilles contiennent du parthénolide, qui possède entre autres une action anti-inflammatoire. La plante est disponible en pharmacie sous forme d’extraits (attention, aucune préparation n’est autorisée en Suisse).
Autre plante utilisée en prévention : le grand pétasite (Petasites hybridus). Il possède également des caractéristiques anti-inflammatoires et favorise la détente musculaire. Cependant, les alcaloïdes pyrrolizidiniques sont susceptibles d’altérer la fonction hépatique. Pour cette raison, plusieurs préparations ont été retirées du marché en Suisse. Il existe désormais un extrait de feuille de grand pétasite sans pyrrolizidine, autorisé à l’origine en traitement contre le rhume des foins. Dans son cabinet, le docteur Chrubasik-Hausmann prescrit souvent ce remède à ses patients atteints de migraine, avec succès. Elle rappelle que la prise concomitante de médicaments de synthèse et de plantes peut entrainer des interactions. Les patients doivent ainsi toujours informer leur médecin de tout ce qu’ils prennent.
Parmi les mesures non médicamenteuses qui peuvent accompagner la thérapie et exercer un effet préventif intéressant, figurent les techniques de relaxation, à condition de les pratiquer régulièrement. La méthode de relaxation de Jacobson a notamment fait ses preuves : elle est très simple à mettre en œuvre, et peut même se pratiquer au bureau. Les exercices de concentration ou le Qi Gong contribuent également à réduire les tensions. En outre, les zones cervicales freinant la douleur sont ainsi activées. Les spécialistes conseillent à leurs patients de pratiquer un sport d’endurance comme le jogging, la marche nordique, le vélo, la natation ou la randonnée. La pratique de ces sports, si elle est régulière bien entendu, a un effet préventif. Le rythme idéal est de pratiquer votre activité pendant 40 minutes trois fois par semaine. Pour vous motiver, n’hésitez pas à vous entraîner en groupe.
De nombreux patients souffrant de migraines sont soulagés par des méthodes alternatives comme l’homéopathie, le massage des zones réflexes, la neuralthérapie, l’autohémothérapie ou l’ostéopathie. Au centre des céphalées Hirslanden de Zurich, on pratique la thérapie cranio-sacrale, dérivée de l’ostéopathie. Par des manipulations spécifiques, le thérapeute agit sur différents tissus situés entre le crâne et le sacrum. L’objectif de la thérapie est de stimuler le processus de régulation et de favoriser la guérison spontanée. Les méthodes de la Médecine Traditionnelle Chinoise (MTC) comme l’acuponcture ou l’acupressure agissent selon le même principe. Selon les données de la société suisse pour l’étude des céphalées, les effets de l’acuponcture sont indéniables et ont fait leurs preuves scientifiquement.
Chaque patient doit essayer la méthode qui lui conviendra le mieux pour enrayer les crises. Même si la migraine est une maladie incurable, elle est plus facile à apaiser que d’autres troubles neurologiques.