Picea, le nom de l’espèce, vient du grec peuke, peuch, pissa qui donna en latin pix, qui signifie «poix», en rapport avec la résine que sécrète le bois lorsque le tronc est entaillé. Le mot pin ou sapin vient du latin spina pour «épine», en rapport avec les aiguilles de l’arbre. Le nom de sapin rouge relève de la couleur brun rouge du tronc et des branches. Dans la langue populaire, on désigne les épicéas et les sapins sous le terme général de «sapin». Cet arbre était déjà très estimé par les Celtes qui le citaient dans leur calendrier dans la période du 2 au 11 janvier et du 5 au 14 juillet; le solstice d’hiver du 21 décembre était par ailleurs consacré au sapin argenté et à la voyelle A (nommée Ailm). A l’issue de cette nuit-là, les journées rallongent et le sapin est considéré depuis lors comme l’arbre de la genèse de la lumière.
Les livres de simples du Moyen Âge font la distinction entre l’épicéa, le sapin argenté et le mélèze mais ils étaient destinés au même usage. Selon Lonicerus, «les feuilles de sapin bouillies soulagent l’inflammation des plaies et sont bonnes pour les maux de dents; pour les hépatiques, on y ajoute du miel. La résine de sapin cuite avec du miel est bonne pour le rhume et les mots de gorge appelés angine, ainsi que toutes les lésions externes du corps. La térébenthine est un purgatif doux; elle nettoie et guérit les maux de poitrine, les poumons et le foie. Une indication particulière de la térébenthine, bien lavée et préparée, est la phtisie, la toux persistante, les quintes et les crachats sanguinolents et purulents – des maux qui favorisent l’apparition de la phtisie».
L’épicéa est un arbre à feuillage persistant qui atteint jusqu’à 60 mètres de hauteur, avec une cime de forme pyramidale et un tronc droit, élancé, portant des branches qui retombent parfois jusqu’au sol. Il fait partie de la famille des conifères. Il est pourvu de racines superficielles ce qui est souvent un préjudice en cas de tempête. Son écorce brun rouge s’écaille et se fissure avec l’âge. Ses branches retombantes ont la pointe retroussée. Disposées en spirale tout autour du tronc, ou seulement du côté d’où vient la lumière, elles portent des aiguilles quadrangulaires vert foncé, aux extrémités piquantes. Les chevreuils aiment bien grignoter les branches des épicéas mais pas celles des sapins argentés.
La première floraison de l’épicéa n’a lieu qu’au bout de 30 ans. Des fleurs mâles et femelles se forment au mois de mai. Avant leur maturité, les chatons mâles accrochés pour la plupart parmi les aiguilles des branches de l’année passée ont la taille et la couleur d’une fraise; en mûrissant, ils se couvrent de grains de pollen jaunes. Les cônes femelles dressés à l’extrémité des branches sont d’un rouge éclatant. A maturité, ils brunissent, s’inclinent et tombent. La même année, les premières pommes de pin mûrissent à la cime de l’arbre ; elles ont de 10 à 15 cm de long et 3 ou 4 cm d’épaisseur. D’abord dressées sur les branches, elles sont ensuite suspendues dessous.
Un épicéa peut avoir jusqu’à 600 ans. De nos jours, l’arbre est toutefois menacé par la pollution de l’air, sa teneur élevée en ozone, les pluies acides, l’hyperacidité et le dessèchement des sols. Les conifères souffrent de ces facteurs davantage que les feuillus parce qu’ils ne perdent pas leurs aiguilles chaque année. Certains de leurs composants comme la picéine et le picéol sont considérés comme des substances de stress que l’épicéa ne produit que sous l’effet d’une menace d’envahisseurs inconnus. La floraison a lieu en mai.
L’épicéa pousse en Europe centrale et jusque dans le grand Nord. Vers le sud, la limite se situe aux alentours du 40e parallèle; vers l’est, c’est la Volga. Il pousse en montagne, au-dessus de 900 mètres d’altitude, souvent en compagnie de diverses sortes de feuillus. On le cultive activement en plaine où il a pratiquement remplacé le sapin argenté.
Le laboratoire A.Vogel/Bioforce utilise l’huile essentielle d’épicéa ainsi que son extrait aqueux et le suc des jeunes bourgeons frais et pressés, récoltés au printemps sur des arbres poussant à l’état sauvage ou cultivés biologiquement. Pour obtenir l’extrait, on met les bourgeons frais à macérer dans de l’eau froide, portée à ébullition sous vide, à environ 40° C; le tout est filtré après refroidissement. Cet extrait est également cuit sous vide avec du sucre de canne brut, du concentré de poires et du miel, jusqu’à obtention d’une consistance sirupeuse, selon une recette traditionnelle qui préserve les produits.
Recette de l’extrait aqueux: mettre à macérer pendant 6 ou 8 heures 1 ou 2 bourgeons frais d’épicéa coupés menu dans une tasse d’eau froide. Faire chauffer le tout sans bouillir, laisser infuser pendant 10 minutes et ajouter du sucre candi ou du miel. Aux Etats-Unis, on utilise un extrait de bourgeons et d’aiguilles pour fabriquer un breuvage qui s’appelle «Spruce Beer». L’extrait est additionné de sirop de sucre ou de mélasse, d’eau et d’autres ingrédients puis mis à fermenter avec des levures. En médecine, on se sert également de la teinture mère, de l’extrait et de l’huile essentielle des aiguilles, de la résine, de la colophane, de l’huile, du baume et de la pommade de térébenthine ainsi que du goudron de bois.
L’épicéa est utilisé à grande échelle en menuiserie et en ébénisterie, pour la fabrication des orgues et d’autres instruments de musique (les stradivarius sont en épicéa), pour les caisses de résonance, comme bois de chauffage et de construction, pour la fabrication du papier, pour les poteaux télé¬graphiques, pour le goudron de bois, le charbon de bois et le tan. Sa résine entre dans la composition de l’huile de térébenthine, de la colophane et de la poix.